DOCERE

Alphonse de Châteaubriant

« Le lieu, dans l'esprit de chacun, où apparaissent les réflexions, le lieu où l'on médite et où l'on pense est chez certains hommes, plus particulièrement, le lieu principal de la vie. C'est là, dans les ateliers profonds des régions de l'esprit que s'amalgament les images, que se révèlent les formes, que s'enchaînent les conceptions, que s'organisent les ensembles, que s'embellissent, que se complètent, que s'achèvent les idées et leur musique, les couleurs et leurs rapports éblouissants. C'est là que se fait entendre le murmure sacré du ruisseau, c'est là que coulent les belles larmes des femmes, c'est là que les anges ont des robes semées de fleurs qui ne fanent jamais, c'est là qu'il n'est de beauté susceptible de devenir plus belle, d'espoir qui ne puisse devenir certitude, de bonne volonté qui ne puisse devenir l'héroïsme. »

— Alphonse de Châteaubriant, L'acte intérieur, éd. Nouvelles Éditions Latines, p. 25

« Tout ce qui est avenir chargé de jours destinés à porter des fruits est gros de douleurs promises. Et quand les ouvriers de cet avenir, qui sont les exigences innombrables, commencent à parler dans l'être et à ouvrir en cet être, ainsi qu'ils traceraient une avenue dans la substance de son cœur, l'immense perspective de la lutte pour la vie — cette lutte contre soi-même pour la plus haute vie de soi-même — la douleur fait son apparition, s'ausculte et ne voit que ceux qui ne donnent pas ce qui lui revient de droit. Alors, autour d'elle accourent en foule toutes les faiblesses cachées du corps et de l'âme, toute un gesticulation intérieure qui s'acharne tandis que le monde extérieur, comme par dérision, se resserre sur le cœur, accumule les conflits et toutes les mauvaises fatalités. »

— Alphonse de Châteaubriant, L'acte intérieur, éd. Nouvelles Éditions Latines, p. 32

« Je n'ai pas le désir de chanter les douleurs de ma vie, mais je note ces douleurs parce que ce sont elles qui m'ont amené à une plus grande connaissance de l'homme. »

— Alphonse de Châteaubriant, L'acte intérieur, éd. Nouvelles Éditions Latines, p. 33

« Durant ces longues marches dans la campagne, c'était, à chaque pas, la lutte en moi-même. En réalité je ne savais pas contre quoi je luttais, je ne savais pas que je menais en moi la lutte de l'homme contre son véritable ennemi, qui est le mensonge attaché à sa nature même... »

— Alphonse de Châteaubriant, L'acte intérieur, éd. Nouvelles Éditions Latines, p. 40-41

« L'intelligence ne faisait plus corps avec l'Être. LEs pensées glissaient sur cette surface immobile comme les ombres des nuages sur la surface d'un lac. Et dans les silences intérieurs, après avoir chassé toute figure, je découvrais peu à peu les profondeurs de mon cœur. »

— Alphonse de Châteaubriant, L'acte intérieur, éd. Nouvelles Éditions Latines, p. 46

« Le fait qu'il [l'Esprit] est dans l'homme, à certaines heures sacrées, une révélation suprême de l'Intelligence et qu'il représente, non un état inexpliqué relevant on ne sait quel illuminisme, mais une intellection nouvelle, est un fait qui, parmi les immenses exemples qui l'illustrent, a dépassé depuis longtemps le domaine de toute controverse.
     Et cette intelligence souveraine, nous pensons qu'il est donné à l'homme de la découvrir dans les pensées de sa conscience, s'il ne se refuse pas d'opérer en lui la descente profonde.
     Alors se réalise la pensée du vieil Eckart : la vue de Dieu n'est pas la défaite de l'intelligence, elle en est le triomphe! »

— Alphonse de Châteaubriant, L'acte intérieur, éd. Nouvelles Éditions Latines, p. 49

« Il existe une foi de l'intellect qui aboutit à la science, et il est une foi de l'Esprit qui est la lecture dans le monde de Dieu. Aujourd'hui on ne croit plus selon l'Esprit parce qu'on ne voit plus que selon l'intellect. Et n'ayant plus ainsi foi que dans l'intellect, on n'a plus foi que dans la science. Mais cette science ne vaut que ce que vaut le monde qu'elle étudie.
     L'intuition du principe de l'Être est, au centre d'un esprit, une cellule flamboyante aux proliférations infinies. De l'animation brûlante de ce miroir de ferveur, fragment par fragment et par des révélations sur l'essence, qui sont non pas des formules mais des prises directes sur la vie, s'édifie en l'homme tout un monde.
     Et, à force de regarder dans cet infini, à force d'embrasser l'ensemble des vérités apparues, qui brillent si étincelantes dans sa nuit intérieure, l'esprit découvre le lien logique qui les unit. Et ce lien forme véritablement une science déductive opérant des mystérieures profondeurs de sa vie fervente. Ces étoiles, qui s'allument les unes après les autres dans le champ de nuit de l'inconnaissance, l'esprit les contemple avec amour. De ces étoiles, le dessin idéal qui les enlace, finit par faire une constellation.
     Un principe, une vérité apparaît, qui reste dans la « haute mémoire », pour employer la magnifique expression de Ruysbroeck. Puis se fait jour un autre principe, une autre vérité, à distance de la première dans l'espace de l'esprit. ENfin une logique indestructible vient relier et sceller toutes ces vérités en révélant leur rapport éternel. C'est comme si ces lumineuses données de l'intuition devenaient conscientes à la façon des parties d'une cathédrale dont on n'aperçoit d'abord que le lobe d'une rosace, puis, à distance, une rangée de piliers, une perspective qui, dans l'ombre, peu à peu s'éclaire et conduit l'esprit vers la découverte de tout l'édifice. Et cette découverte est rationnelle et logique. Et une foi immense anime l'âme à cause de cette logique qui fait qu'on prend conscience de l'endroit où l'on est. On n'a pas voulu cela, et cela est ici, en vous. Alors vous n'êtes plus vous-même, mais un lieu de vérité.
     Il est impossible de reprendre une par une toutes les révélations. C'est un monde qui se dévoile peu à peu avec une logique parfaite. Les sommets se révèlent, comme le matin, dans les montagnes, un pic s'éclaire soudain d'un rayon de soleil. Puis, peu à peu se déploie la chaîne entière. Et de même que le voyageur éprouve la certitude qu'il a devant lui des montagnes, de même une foi immédiate inébranlable accompagne dans l'homme la révélation de ce monde du Réel. C'est alors qu'au bout de ce long parcours dans son désert intérieur, l'homme finit par se retrouver dans cette cité sainte, où s'il existe qu'un seul temple élevé à Dieu, il y a plusieurs maisons de prière ouvertes à tous ceux qui manifestent quelques diversités, des uns aux autres, dans la façon dont ils voient en leur cœur l'infini univers de Dieu.
     C'est là qu'il rencontre ceux qui, avant lui, ont cheminé par la même sente intérieure, jusqu'à ce grand Royaume qui est l'âme que Dieu lui prête.
     L'homme historique ne doit pas faire tort à l'homme Christique, comme il arrive si souvent en notre temps. « L'épreuve la plus difficile dit Tolstoï dans « Guerre et Paix » est la soumission de la liberté humaine aux lois divines. »
     Ce n'est pas une parole que nous apporte le Christianisme, une parole pour nous aider à tirer parti de ce que nous croyons être, mais le grand secret de l'Être et du non-être, secret qui n'est un vrai refuge que s'il est trouvé pour avoir été d'abord la destruction totale de ce qu'on voulait réfugier.
     Ceux qui, remontant le courant de leur nature, ont pu s'ouvrir à la science de Dieu, s'affranchissent de l'esprit qui les enfermait dans son empirisme aveugle et, comme dit Denys l'Aréopagite dans ses « abjectes illusions », « ceux-là sont à l'entrée du chemin lumineux ».
     C'est donc un merveilleux jour pour l'homme quand, levant les yeux, il voit soudain se détacher sur le fond du ciel cette vérité que l'individu de chair fait partie de ce monde qui n'est qu'une traduction du vrai monde. Cet homme a franchi intellectuellement le passage qu'il faut franchir; il fait le premier pas vers le monde de la vraie création, vers le monde de la présence de Dieu, qui est le monde des individus spirituels, le monde de l'Être des choses. »

— Alphonse de Châteaubriant, L'acte intérieur, éd. Nouvelles Éditions Latines, p. 65-66

« Ainsi, il y a deux mondes, ou plutôt deux perceptions différentes du monde : l'une qui consiste en l'approche de l'immortelle et substantielle Idée de Dieu; l'autre qui, procédant d'une illusion de l'esprit humain, donne de l'acte divin une transcription dénaturée. Mais cette dernière perception, bien que fausse par rapport à la vraie création de Dieu, exerce légitimement le caractère de réalité aux yeux de ceux qui n'ont pas réalisé en eux la vérité transcendante du monde de Dieu. »

— Alphonse de Châteaubriant, L'acte intérieur, éd. Nouvelles Éditions Latines, p. 68

« En réalité, nous sommes tous engagés dans une pleine aventure métaphysique et celui qui s'arrête au point de vue où il croit avoir le droit de se placer en tant qu'homme ayant une raison qui l'éclaire sur la réalité et une liberté qui le fait responsable, et qui lui confère implicitement le pouvoir personnel d'atteindre un destin digne de ses privilèges, est un être qui, se prenant à une orgueilleuse illusion de conscience, avant l'heure ou le jour, s'arrêterait dans le ventre de sa mère. »

— Alphonse de Châteaubriant, L'acte intérieur, éd. Nouvelles Éditions Latines, p. 81

« Dans un pareil temps d'athéisme positif, d'audace scientifique illimtée, d'existentialisme effréné, il importe plus que jamais pour ceux qui, en religion, ont la charge des esprits, de se tenir dans la ligne droite du dogme afin d'éviter toute surprise. Il y a si longtemps que la Lettre règne, que la foule des hommes a perdu, en fait, l'habitude de la vivre et qu'elle l'aborde désormais aussi automatiquement que lorsqu'on moud du café, les yeux fermés, sans risquer davantage. »

— Alphonse de Châteaubriant, L'acte intérieur, éd. Nouvelles Éditions Latines, p. 81

« Mais nous pensons aussi que cette docile passivité se trouve cruellement à l'origine de la déconsidération publique que l'on peut observer un peu dans tous les milieux à l'égard du fait de religion, qui n'est plus jugé qu'à travers la faiblesse spirituelle de ses représentatns et parce qu'on estime qu'il n'est plus au niveau intellectuel auquel les découvertes modernes ont porté l'esprit humain. Face aux certitudes des résultats de l'alambic, Dieu est prié de se taire. »

— Alphonse de Châteaubriant, L'acte intérieur, éd. Nouvelles Éditions Latines, p. 81-82

« Le catholicisme cependant, n'est ni par essence, ni par destination, une adaptation du Christianisme aux capacités communes des foules humaines. Il ne doit ni être cela ni vouloir cela sous le prétexte qu'on fait ce qu'on peut dans un monde qui ne croit plus en vous, car si ce monde ne croit plus en vous, ne serait-ce pas, précisément, à cause des insuffisances où, peu à peu, est tombé l'esprit de la religion et parce que on est arrivé, finalement, à l'abandon d'avec les vérités du monde divin qui, autrefois, dans le cœur de l'homme, avaient donné toute sa force au Christianisme, mais qui, hélas, ne se retrouvent plus, de nos jours, dans les crânes humains?
     L'Église du Christ ne doit pas mettre le culte à la remorque de l'esprit des foules, car le culte dépasse le culte.
     L'Église, riche de la Science divine, doit savoir que le travail par la révélation est à refaire constamment, de même que la terre, sans relâche, doit être retournée par la charrue. Autrement, il arrive ce qui est arrivé, l'homme ne connaissant plus les choses que dans son intellect ne sait plus faire que des processions dans son intellect.
     L'Église doit retrouver en elle l'Église qui a pour grand séminaire le cœur de Dieu. »

— Alphonse de Châteaubriant, L'acte intérieur, éd. Nouvelles Éditions Latines, p. 82

« Le catholicisme intérieur n'est pas caractérisé par l'élimination des dogmes.Il ne supprime pas le catholicisme du culte. Il le quitte pour se former au-dessus, et non afin de s'en séparer, mais afin de faire, du sommet de sa pensée, une rayonnante verrière mystique. »

— Alphonse de Châteaubriant, L'acte intérieur, éd. Nouvelles Éditions Latines, p. 83

« Que ceux qui ne connaissent le Christianisme que de la façon dont on connaît les choses en les ayant étudiées avec l'intelligence de l'étude, c'est-à-dire sans avoir franchi le cercle dans lequel est enfermé le monde des images, se gardent bien de voir, dans cette expérience de l'Être, un monument de l'illusion de l'entendement ou de l'imagination mythique. Il y a là tout autre chose, et particulièrement un foyer de puissance qui est exactement le don éternel de Dieu. »

— Alphonse de Châteaubriant, L'acte intérieur, éd. Nouvelles Éditions Latines, p. 84

« Tout est écrit, sauf si Dieu l'écrit. »

— Alphonse de Châteaubriant, L'acte intérieur, éd. Nouvelles Éditions Latines, p. 108

« Le but que chacun individu doit s'efforcer d'atteindre est donc la réalisation du Christ en lui-même. »

— Alphonse de Châteaubriant, L'acte intérieur, éd. Nouvelles Éditions Latines, p. 109

« Nous ne saissons pas dans l'indéterminé. Ne nous naissons pas n'importe où. Nous sommes les fils d'un sol et les fils d'une culture, leur chimisme magique est ce qui féconde notre humanité. Et la vérité est que l'homme doit mettre sa liberté non à s'affranchir de tous ces liens, mais à multiplier au contraire ceux du cœur et de la pensée qui le rattachent au grand être vivant dont il est le fils... Alors la race devient comme le côté extérieur de l'âme, l'âme, la race sentie du dedans. »

— Alphonse de Châteaubriant, L'acte intérieur, éd. Nouvelles Éditions Latines, p. 111

« L'homme ne sait plus ce qu'il est. Il ne possède plus en lui les données fondamentales sur lesquelles il peut asseoir les bases de l'édifice d'une société solide. Une société repose sur une conviction. C'est l'homme tel qu'il se connaît qui engendre sa société et une société dure ce que dure, dans l'homme de cette société, l'idée de l'homme sur laquelle l'homme a édifié cette société. Et quand l'homme ne sait plus ce qu'il est, quand il ne peut plus rien affirmer de lui-même, la grande masse de la société tombe dans l'inquiétude, dans l'angoisse et elle fait de tous les côtés, comme un animal en proie aux convulsions, toutes sortes de mouvements plus ou moins désespérés, en butte aux élancements de son inconscient et sans même trop savoir ce qu'elle cherche, ce qu'elle veut, ce qui lui manque... En fait, au molieu de son épilepsie, de ses distorsions, de ces haut-le-corps, de ses fièvres, de ses tétanos et de ses syncopes, elle cherche à la vérité un ordre et un ordre qui repose un homme, l'homme dont elle reflètera la configuration intérieure dans toutes ses institutions. Et c'est là exactement le drame dont souffre actuellement le monde. Le mal n'est pas politique, il est rendu politique par les misérables médiocrités ambitieuses qui se croient appelées à conduire le monde. C'est un drame de famille, un drame de la famille humaine. Le chef de famille est mort. »

— Alphonse de Châteaubriant, L'acte intérieur, éd. Nouvelles Éditions Latines, p. 115

« Maintenant, là où nous en sommes rendus, le logicien c'est bien le bolchévisme; ce n'est pas lui le révolutionnaire. Il croit faire une révolution parce qu'il a coupé un fil, parce qu'il est la civilisation de l'homme déshérité de tout principe spirituel. Mais le bolchévisme était contenu tout entier dans la société purement humaine qui le précèda. Il n'est que la traduction sociale de la déshumanisation individuelle et collective à laquelle devait fatalement aboutir une société n'ayant plus ses racines vivantes dans un principe plus vaste que l'homme. Le bolchévisme n'est donc pas une théorie qui pourrait amener la désagrégation de bonnes volontés qui mettent en lui leur espoir, il est la désagrégation même de la société. Le bolchevisme n'est pas une idéologie qui se traduit par une idéologie, mais, dans son fond, un fait de réalité, un évènement effectif, un état de la chose vivante, une manifestation directe, immédiate, de l'organisme humain. »

— Alphonse de Châteaubriant, L'acte intérieur, éd. Nouvelles Éditions Latines, p. 116

« Depuis que la France ne croit plus à la naissance de Dieu dans les cœurs, la France est malheureuse : Dieu ne naît plus en elle. »

— Alphonse de Châteaubriant, L'acte intérieur, éd. Nouvelles Éditions Latines, p. 126

« Le cep n'est pas en dehors de nous, mais en chacun de nous. Nous n'avons pas à le chercher en étendant les bras au-dehors, car ainsi nous le retrouverions pas. L'ayant perdu, nous sommes devenus aveugles et, étant devenus aveugles, comment retrouverions-nous cela, précisément, dont la perte nous a fait devenir aveugles? Mais nous le retrouvons là où il est en nous, dans l'effort que nous ferons en quittant toute haine, en vivant dans les simplicités purifiantes, en pratiquant l'humilité profonde de la pensée, en ne faisant rien qui soit ce qui paralyse la force d'expression des vertus du cep créateur. [...] Tout cela est pour nous; agenouillons-nous et taisons-nous... Taisons-nous surtout... Laissons le silence des paroles et des pensées revenir dans notre temple, de façon à ce que ce soient les pensées du cep qui remontent vers nous. »

— Alphonse de Châteaubriant, L'acte intérieur, éd. Nouvelles Éditions Latines, p. 128

« Un être frustre dans les questions de Dieu est un cadavre, bien qu'il ne faille jamais oublier que, dans tout cadavre, brûle la lampe de la résurrection. »

— Alphonse de Châteaubriant, L'acte intérieur, éd. Nouvelles Éditions Latines, p. 131

« Voir dans l'invisible, ce n'est pas voir d'une vue infiniment fine. L'invisible que l'on verrait ainsi ne serait justement pas l'invisible dont il s'agit; parce que l'invisible dont il s'agit n'est pas dans la nature du visible, et que voir l'invisible, c'est comprendre qu'il importe à l'homme de se transporter hors de son champ habituel d'expérience, de ne pas transporter dans l'invisible ce qu'il voit dans le visible, le monde de la matérialité au lieu de celui de l'Esprit. »

— Alphonse de Châteaubriant, L'acte intérieur, éd. Nouvelles Éditions Latines, p. 132

« Le vrai drame de la France, ce n'est pas d'avoir été vaincue par les armes, ce n'est pas d'être occupée, c'est d'avoir mérté de l'être par trop d'oubli, de concessions, de compromissions, de faiblesses, d'égocentrisme politique, d'ignorance, cette ignorance qui l'a complètement empêché de savoir où en était le monde.
     La France n'a pas su ce qui se passait en dehors d'elle. La France n'a pas su pressentir l'avènement d'un nouveau cycle historique. »

— Alphonse de Châteaubriant, L'acte intérieur, éd. Nouvelles Éditions Latines, p. 137

« Aujourd'hui le mal est dans le cœur, non plus dans le cœur territorial, mais dans le cœur spirituel. Mais le cœur spirituel, c'est le cœur de la vie même, dans ses forces de durée. Et voilà pourquoi nous avons un plus grand besoin de Jeanne que jamais, non seulement de son âme, mais de son esprit droit, de son intuition droite, de son bon sens de nature. Car il ne s'agit pas de sauver le pays entre Beaugency et Orléans, ou entre Rouen et les Andelys, ou entre Chartres et Plessis-les-Tours, mais dans cette place d'armes essentielle, dans ce château de l'âme essentiel, dans cette forteresse sacrée essentielle où doivent se conserver et se défendre avec acharnement les vertus du peuple, car c'est l'état des vertus du peuple qui constitue la substance de la nation. Avec un bon peuple, resté sain, on peut toujours refaire une forte aristocratie.
     Il est impossible que les vertus du peuple se défendent de mourir, se survivent et s'accroissent, lorsqu'elles n'ont pas de modèle dans lequel elles puissent se regarder et trouver un haut exemple d'elles-mêmes. »

— Alphonse de Châteaubriant, L'acte intérieur, éd. Nouvelles Éditions Latines, p. 139

« Les grandes histoires de Dieu contiennent les grands secrets de l'homme. »

— Alphonse de Châteaubriant, L'acte intérieur, éd. Nouvelles Éditions Latines, p. 153

« L'homme, dans tous les temps, a été plus ou moins l'ennemi de l'homme, mais aujourd'hui, il est plus que l'ennemi de l'homme, il est une odieuse caricature de cet homme vrai dont il s'ennuie et contre lequel, cependant, il ne cesse de vitupérer... »

— Alphonse de Châteaubriant, L'acte intérieur, éd. Nouvelles Éditions Latines, p. 160-161

« Le rôle des pèlerins de retour qui racontent ce qu'ils ont vécu, est d'apprendre à qui veut le savoir qu'il existe, dans un lointain magnifique, difficile à atteindre, un grand pays... Il y a dans le Christianisme des hauteurs difficiles à discerner et à atteindre. En ne perdant pas une minute j'ai mis toute une vie pour gravir le sentier qui mène au sommet d'où l'on aperçoit le merveilleux paysage. »

— Alphonse de Châteaubriant, L'acte intérieur, éd. Nouvelles Éditions Latines, p. 223

« Les mots, par eux-mêmes, ne représentent à l'intellect que des rapports de logique verbale, c'est-à-dire ne contiennent rien s'ils n'éveillent dans l'âme l'espérance vivante du contact avec les vérités qui constituent l'essence de la réalité éternelle; un contact unique qu'ils ont pour fonction d'éveiller.
     Le vrai sens des choses n'est pas communicable par les mots. Il y faut l'expérience propre. Ainsi Dieu est une expérience spécifique. Platon a bien dit : Il est difficile de le trouver, impossible de le faire connaître. »

— Alphonse de Châteaubriant, L'acte intérieur, éd. Nouvelles Éditions Latines, p. 233